Qu’advient-il du commandement de payer lorsque la saisie immobilière se prolonge dans le temps ?
De façon laconique, le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020[1] dispose en son article 2 (alinéa 4) qu’à l’article R 321-20 du code des procédures civiles d’exécution : "le mot « deux » est remplacé par le mot « cinq »".
Dés lors, tout commandement de payer valant saisie immobilière cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n’a pas été constaté la vente du bien saisi !
Concernant l’entrée en vigueur de cette modification, il est à noter que cette disposition entrera en vigueur à compter du 1e Janvier 2021 et s’appliquera aux instances en cours à cette date.
Sous l’empire du droit antérieur et de la jurisprudence de la cour de cassation, le délai de péremption était donc de deux ans. Délai particulièrement court notamment en cas de contestation.
En pratique, cela pouvait poser de nombreux problèmes aux professionnels des mesures d’exécution. En effet, par nature le droit de la saisie immobilière s’inscrit dans le temps long. Et il était donc particulièrement préjudiciable pour le créancier que de voir la procédure de saisie immobilière invalidée pour des raisons de longueur procédurale. Pour paraphraser le penseur Pascal, la justice à ses délais que la raison ignore…
Souvent appelé de ces vœux par la Cour de Cassation, et notamment dans son rapport de 2018 : « Si l’utilité de la péremption peut encore être trouvée par rapport aux exigences de la publicité foncière, cette mesure (…) doit être dissociée du délai biennal de péremption de l’instance.
Les précédents rapports soulignaient la nécessité d’en neutraliser les effets néfastes sur le déroulement de la procédure de la saisie immobilière, à tout le moins en en allongeant la durée, pour la porter de deux à cinq ans, correspondant au délai de droit commun de la prescription »[2].
Cette modification est d’une conséquence majeure. Car il convient de rappeler que la péremption du commandement de payer à pour effet de mettre fin à la procédure. Entrainant en cascade la nullité de l’intégralité des actions de l’ensemble de la procédure et par là même obérer toute suite si par l’extraordinaire le créancier souhaitait relancer une nouvelle procédure de saisie immobilière ultérieurement.
Conséquence d’autant plus forte que, comme le rappelle la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 Mars 2019[3], la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière peut être soulevée d’office par le juge.
Cet office du juge en la matière est particulièrement intéressant à observer à l’aune du principe d’impartialité du juge à la procédure. En effet, au vu des effets énoncés ci-dessus, se pose ici la question de la distinction de traitement qu’opère le juge entre le créancier saisissant et le débiteur malheureux. Il conviendra alors d’admettre que la technicité de certaine matière foule parfois nos idéaux juridiques…
- par Alexandre Lemaire
[1] Décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions [2] Rapport Cour de Cassation 2018 : p.54 et s. [3] Civ. 2e, 21 mars 2019, F-P+B, n° 17-31.170. Renouvelé par Civ. 2e, 19 mars 2020, F-P+B+I, n° 19-11.722
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