L'évolution récente du marché du recouvrement a mis un coup de pied dans une fourmilière bien française. Quelles conséquences à ce jour ?
"Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés", ce vers de La Fontaine semble aujourd'hui décrire à la perfection l'état des marchés jumeaux du recouvrement et du refinancement, tant les mutations profondes du premier semblent contaminer le second.
Le recouvrement, le refinancement : deux tabous à la française. Deux irrésistibles monolithes nationaux comme on aime vouloir en déconstruire... et que l'on déteste voir disparaître en même temps. Le recouvrement a connu une forte poussée ces quinze dernières années, sous influence mondiale, avec l'arrivée d'organismes de recouvrement capables de lever des milliards, parfois des filiales de banques étrangères, et un essor remarquable du mécanisme de la cession-recouvrement.
Il faut dire que les banques, sur lesquelles la surveillance s'accrue sans cesse, ne peuvent répondre aux exigences européennes de limitation à 5 % du bilan en créances douteuses, encore moins aux nouvelles normes IFRS 9 (qui les obligent à passer une partie de la créance de prêt en provision dès la souscription et 100 % à la déchéance du terme) sans procéder à une "purge" de leurs actifs douteux.
Alors, le recouvrement étant prié de fluidifier tout cela, l'on ne pouvait s'attendre qu'à une libéralisation du cadre légal du marché. Nous l'avons notamment eu avec la loi Macron du 6 août 2015 qui a, entre bien d'autres choses, ouvert au forceps la profession d'huissier de justice avec ce petit accent anglo-saxon que le rapport Darrois avait déjà fredonné quelques années plus tôt.
Depuis, le recouvrement est plus agressif. Pas seulement (et, même, pas essentiellement) dans les mots mais dans son mode de fonctionnement : objectifs mensuels de remontée de trésorerie proportionnés à l'encours confié, mise en concurrence géographique et capacitaire, baisse des tarifs... Le débiteur est plus sollicité : il doit trouver de nouvelles solutions pour se refinancer plus rapidement.
Côté refinancement, précisément, les choses arrivent confusément. Le marché est loin d'avoir guillotiné ses rois comme pour le recouvrement. Malgré la mise en route de produits plus audacieux de la part d'organismes bancaires d'ordinaire spécialisés dans le regroupement hypothécaire (et qui commercialisent désormais des produits pour locataires), malgré, aussi, quelques produits dont il faut saluer l'arrivée pour regrouper en situation délicate des crédits à la consommation sur des montants inférieurs à 30 000,00 €, il faut noter qu'il est encore difficile, en France, de voir un intitulé de produit bancaire utiliser ouvertement le vocable "refinancement". Surtout en agence, surtout en grande distribution.
Ajoutons encore à cela le cas particulier des fichés à la Banque de France revenus à meilleure fortune (lesquelles sont les premières victimes de la pratique de l'affectation sur intérêt au recouvrement), et nous avons un panorama complet de ce qui ne va pas : un recouvrement affamé auquel ne répond toujours pas le refinancement français, trop rigide malgré une compétitivité tarifaire alléchante.
En fait, on parle ici non pas des propriétaires qui pourront avoir recours à l'hypothèque ou à la liquidation d'actif, ni même de ceux qui ont 20 à 75 000 € de passifs-consommation sains à regrouper mais des faibles montants d'endettement contentieux, inférieurs à 10 000,00 €, la grosse majorité des troupes, pour lesquels le produit de référence se limite au micro-crédit social et aux efforts d'accompagnement des Points Conseils Budget validés par le gouvernement.
Comment ces derniers s'en sortent-ils ? C'est malheureusement l'histoire indicible du recouvrement-refinancement français. Entre prêt personnel non-affecté (pas écrit, pas dit) et crédit souscrit pour autrui par la grand-mère, la banque ne sait pas toujours ce qu'elle finance ni ce qu'elle reçoit. Sur le terrain, le rythme effréné ne laisse pas toujours entrevoir cette problématique, pourvu que les objectifs de production de crédits soient atteints et que la mention "a trouvé une solution familiale" puisse clore définitivement le dossier au niveau du donneur d'ordre. N'y voyons, bien sûr, aucun opprobre jeté sur ceux qui ne font que leur job, mais sur un système qui ne se voit pas s'abimer.
Ne soyons pas dupes non plus : évoquons ici certains organismes de ventes à réméré peu scrupuleux qui écoulent des fonds extra-européens dans les caisses des organismes de recouvrement. Ceux-là se récupèrent ensuite le montant refinancé par la banque du débiteur via une facture de conseil émise sur une autre structure. Évoquons aussi, tant qu'on y est, cette même pratique lorsque le crédit-relai émane d'agents liés au trafic de stupéfiants ou aux ambitions terroristes.
Le refinancement doit se réformer pour s'adapter aux nouveaux enjeux du recouvrement. C'est une obligation morale et pour le bien de ce double-marché. C'est dans cet esprit de réforme du marché par ses propres acteurs que Concilys a choisi de s'engager publiquement à la transparence, en tenant à la disposition de ses partenaires l'origine de ses fonds, son circuit financier interne et l'historique du client proposé.
- Matthieu Perruchon
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